Les rythmiques

C'est drôle, l'une des choses, l'un des mots qui me revient le plus de mon enfance, c'est le mot "rythmiques".

L'objet ne revient pas de suite en mémoire avec le terme; je cherche, et je finis par me souvenir.

Les rythmiques, ce sont ces chaussons de gymnastique noirs, blancs ou roses pour les filles, qu'il fallait porter à chaque leçon de sport à l'école primaire.

"Achetez des rythmiques"; "N'oubliez pas d'apporter vos rythmiques!"; Avec ou sans élastique, la pointe auto-agrippante, la semelle plus ou moins épaisse. A la rentrée, nous allions dans les supermarchés acheter notre paire de rythmiques annuelles. La gym ne pouvait pas être pratiquée sans une bonne paire de rythmiques aux pieds.

Nous arrivions devant l'institutrice, en rang d'oignon, dans le froid gymnase situé à deux kilomètres à pied de l'école. Vêtus de survêtements brillants en nylon, nos rythmiques aux pieds, nous grelotions presque, frêles analphabètes de la roulade arrière et de l'Appuie-Tendu-Renversé. Nous courrions alors pour nous échauffer au rythme du tambourin.

Quel rapport peut-il d'ailleurs bien avoir entre une paire de chaussons en tissu et la notion de rythme?

Je me le demande encore. On aurait pu les nommer "sandales", ou "chaussons de gymnastique", ou même "souliers" comme pour la danse.

Non monsieur.

Ce sont des rythmiques.

Ah, c'est tout de même plus respectable, de s'appeler "rythmiques", quand on n'est pourtant qu'une vulgaire paire de godilles qui ne tiennet pas la route plus de trois mois sans se trouer. Ah, ça monsieur, ce sont des rythmiques, chaussons exceptionnels qui feront de vos enfants des virtuoses du rythme, des as de la roue, des rois de la chandelle.

Là, c'est sûr, s'ils ne sont pas meilleurs dans les autres matières...

Mon ami, pour un simple bout de tissu caoutchouté...