La graine et le mulet : modeste Kechiche

Publié le par Jujube

La graine et le mulet
D’ Abdellatif Kechiche, France, 2007, 2h31
Avec Habib Boufares, Hafsia Herzi, Faridah Benkhetache, Bouraouia Marzouk, Alice Houri, Bruno Lochet…
Prix spécial du Jury-Mostra de Venise 2007
 
On craignait une déception. Kechiche nous avait tellement fait de bien avec « L’esquive », qui faisait rentrer le théâtre dans les halls d’immeubles de banlieue, très loin des reportages racoleurs de TF1. Nos craintes se sont rapidement évaporées. Dès les premières minutes du film, le réalisateur nous attrape une nouvelle fois dans les mailles de son filet d’authenticité, dans les bras de ses acteurs non professionnels et de leur débit de paroles, dans le flot de sa caméra à l’épaule, au plus près des corps et des maux/mots « par peur de laisser échapper quoi que ce soit ».
Sète, le port. On plonge dans le regard fatigué de Slimane Beiji, la soixantaine, licencié d’un chantier naval parce que non rentable. Divorcé, il est attaché à ses deux familles. Celle de son ex-femme et de ses nombreux enfants et petits enfants, et celle de l’Hôtel de l’Orient, où travaillent sa compagne actuelle et sa belle-fille, avec qui il entretient des relations privilégiées. Malgré ses revenus modestes, Slimane engage ses deux familles, pourtant rivales, dans l’aménagement d’un restaurant à couscous de poisson (d’où le titre du film) sur un vieux cargo à l’abandon. Pour convaincre les plus réticents du sérieux de son entreprise (la banque, la mairie, les autorités du port, les amis), il décide d’organiser une réception. Mais rien ne se passe comme prévu…
« Il n’est pas facile dans la vie de faire une place au rêve » nous dira Kechiche à propos du sujet de son film. Dressant devant son personnage une montagne de difficultés, il nous parle de sa propre expérience de français « d’origine », qui a bravé les épreuves pour atteindre son rêve de grand écran. A son habitude, le cinéaste évite de tomber dans le pathos ou le manichéisme facile, et préfère mettre en image un quotidien à la fois banal (il laisse parfois tourner sa caméra plus que de raisonnable) et complexe (les difficultés viennent autant de la famille que de l’extérieur).
« La graine et le mulet » est grand parce que modeste dans son propos. On apprécie que les thèmes de l’intégration ou du racisme soient à peine esquissés, pour préférer un instantané de la société française dans sa diversité.
 
J.D.  

Publié dans MON CINEMA

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